L'équipage de Saranaïa a quitté
les bancs de l'école depuis quelques (petites...) années.
Plus question pour eux de cahiers d'écoliers et de scolarité
à continuer durant leur voyage. Un problème pourtant
qui se pose lorsque c'est toute la famille qui décide
de larguer les amarres
Contrairement à une idée
reçue, l'école n'est pas obligatoire en France.
Le texte du 28 mars 1882 (Ah, sacré Jules Ferry !), toujours
en vigueur, précise que l'instruction est obligatoire
de 6 à 13 ans, mais qu'elle peut être dispensée
hors les murs d'une école, par un parent ou n'importe
quel quidam
De nos jours, la plupart des enfants voyageurs
suivent leur scolarité par l'intermédiaire du CNED
(Centre National d'Enseignement à Distance). Le principe
est celui des cours par correspondance, avec contrôles
réguliers à renvoyer en France. D'après
le CNED, les parents doivent demander une autorisation à
l'inspecteur de l'académie pour pouvoir retirer leurs
enfants de l'école. Pourtant, le texte de loi indique que
cette autorisation doit être donnée non par les
instances de l'Education Nationale, mais par le maire de la commune
où résident les futurs voyageurs
Pour tenter de mieux comprendre cette
législation, nous avons contacté la famille Vitipon
qui durant deux années a navigué en assurant la
scolarité de leur fille
Malheureusement pour nous, leur expérience
ne confirme ni les dires du CNED, ni les écrits des tables
de loi. Eux se sont arrangés directement avec le directeur
de l'école de leur fille et pour des raisons pratiques
n'ont pas utilisé les cours du CNED
Bref, les méandres du système
français sont aussi clairs qu'une fiche de paie. Mais
après tout, n'est-ce pas une des qualité du voyage
que de nous rendre libre et donc responsable ?
D'après les propos tenus par Florence Legrand, responsable de la chronique éducation
C'est poussé par un vent dominant Sud Ouest et menée par 6 équipiers que Saranaïa a quitté Las Palmas le 18 janvier
Le 24 janvier, à 11h00 heure française,
le bateau était précisément à 22°49'
de latitude Nord et 30°35' de longitude Ouest
Contrairement aux semaines précédentes,
le vent a été peu présent ces derniers jours,
et la brise "Perkins" a pris le relais durant 2 nuits.
Salué par 2 troupeaux de dauphins, l'équipage essaie
de rejoindre les alizés repérés plus au sud
C'est grée sous booster que Saranaïa
s'approche de Sainte Lucie. Un tiers de la distance a été
parcouru jusqu'à présent et le moral est évidemment au beau fixe
Bon Vent !
10h15 : la bibliothèque de l'école Jules Verne a subi comme
chaque semaine notre installation. Le studio est prêt,
exceptionnellement tout fonctionne, et nous nous acharnons à
cacher les mètres de câbles qui pendouillent un
peu partout, un peu par soucis esthétique, beaucoup pour
que les élèves ne s'en servent pas d'élastiques
pour les filles ou de filet de volley-ball pour les garçons
10h30 : les élèves remplissent la grande salle magique,
celle où on parle dans le micro, et la discussion s'engage
avec l'invité du jour, Christophe Lesueur, architecte naval
10h45 : chut, silence, pas un bruit ; générique et début
d'émission. L'occasion de faire un point sur la construction
d'un bateau (comment ça flotte ?) et sur le métier d'architecte naval. Tracer des plans est une chose, comprendre
les désirs du client en est une autre. Le bateau est un
objet de fantasmes, l'assouvissement d'un rêve d'enfant,
et pour tous l'accomplissement d'un profond désir. Comment être à la hauteur
du rêve, comment le transformer en réalité... les exigences budgétaires, techniques et pratiques sont
souvent peu compatibles avec les envies de voyages, d'océans et d'horizons lointains
11h10 : fin d'émission, générique. Les langues se
délient et la discussion continue. La mer et les bateaux
sont des thèmes qui intéressent vraiment les élèves.
Qui n'a pas rêvé, un jour au fond d'une salle de classe, d'une plage de sable chaud...
Qui dit voiliers dit vents. Mais qui dit marins et traversée, pensera à l'autre élément qu'il faut comprendre pour pouvoir naviguer : l'eau, et les courants marins. Rencontre avec Chloé Maréchal, du laboratoire de Sciences de la terre à l'École Normale Supérieure de Lyon
- Comment se forment les courants marins ?
-Il existe en fait deux types de courants marins. Les courants profonds, qui se trouvent entre -500 et -3500m et les courants superficiels qui occupent les premières
centaines de mètres des océans. [ndlr : la profondeur moyenne des océans est de 3500m] Ces deux types de courant se forment différemment.
Les courants profonds naissent au nord de l'Atlantique, ce sont
des eaux froides issues de la banquise. La banquise est composée
d'eau douce, le sel marin est lui rejeté en grandes quantités.
Résultat : une eau dense et froide qui logiquement "coule"
et agit sur le fond des océans comme un grand fleuve. Cette
masse d'eau part donc de l'Arctique, traverse l'Equateur arrive
en Antarctique et remonte jusqu'au pacifique nord. Durée
du voyage : entre 1700 et 2000 années. Les courants superficiels quant à
eux, sont surtout le fruit de l'action conjuguée des vents
et de la rotation de la terre. Les alizés par exemple sont
un courant superficiel
- Quelle est la vitesse des courants marins ?
- La moyenne sur l'ensemble des courants est
de 10cm/seconde. Bien sur, il existe de nombreuses variations.
Les courants marins profonds se déplacent de quelques millimètres
pas seconde, d'autres sont beaucoup plus rapides, tel le Gulf
Stream qui peut atteindre 2m/s
- Quels sont leurs températures ?
- Une fois de plus, il faut distinguer les
courants profonds dont la température est très basse,
de -1 à 3°C, et les courants superficiels qui avoisinent parfois les 30°C
Propos recueillis par Amandine, Marie, Bruno et Dimitri, élèves en CM2 à l'école Jules Verne
Ce vendredi 31 janvier, à 14h30 heure
française, Saranaïa est précisément
à 17°32' de latitude Nord et 46°19' de longitude
Ouest
13 jours déjà que l'équipage
est entre ciel et mer,un ciel aujourd'hui couvert au 6/8ème.
Les alizés sont au rendez-vous depuis plus de 24 heures
et soufflent actuellement nord-est force 4-5
Depuis les Canaries, les dauphins sont venus
par trois fois saluer le bateau, les poissons volants sont de
plus en plus nombreux et un d'entre eux s'est échoué
sur le pont (une collision sans gravité pour Saranaïa).
Quelques oiseaux noirs, sûrement des hirondelles de mer
survolent l'océan
La température est estivale, 25°C
dans le bateau et samedi dernier fut le jour du premier bain dans
une eau parait-il aussi chaude que l'été sur la
côte d'Azur
Quelques avaries viennent toutefois atténuer
la beauté de cette traversée. L'étai principal
a cassé dimanche 26 au soir et a pu être sommairement
réparé mardi 28. Le moteur s'est arrêté
durant 2 jours et le hallebas rigide s'est arraché de la
bôme, offrant un nouvel emploi à l'ancien hallebas.
Des pièces de rechange, envoyées par Frédéric
Russo attendront Saranaïa à Sainte Lucie, l'escale
étant assez longue pour réparer
Si le vent se maintient, l'arrivée
est prévue le 5 février soit 5 jours pour parcourir
les 865MN restants
D'après René Bernard, à bord du Saranaïa
Bon Vent !
Dans quelques jours Saranaïa aura
rallié Sainte Lucie, aux Antilles. L'esprit voguant plus
vite q'un bateau, voici une petite visite de la faune aux Antilles
Une faune au demeurant plutôt pauvre;
la triste preuve est le silence qui règne dans certaines
forêts. Les espèces endémiques, c'est à
dire d'origine, ont presque toutes disparues, décimées
par l'homme. Adieu perroquets, lamantins, tatous et bonjour veaux,
vaches, cochons puisque les espèces autochtones ont été
remplacées par des espèces importées
Une importation pas toujours réussie
comme le montre de manière assez drôle le cas de
la mangouste. Ce mammifère présente la particularité
de ne pas craindre le venin de nombreux serpents. Qui plus est,
elle s'en délecte et les chasse à merveille. Elle
a donc été importée dans le but de réduire
la colonie de serpents venimeux, fort importante dans la plupart
des îles des Antilles. Mais la mangouste, arrivée
sur place, s'est découvert une véritable passion
pour les poules, et a délaissé l'astreignante chasse
aux serpents pour lui préférer l'abondance des
poulaillers
L'homme et la mangouste, nouvelle fable de La Fontaine ?
D'après Pascal Hudelet, vétérinaire
René Bernard : Nous sommes arrivés à Ste Lucie mercredi 5 Février
à 15h42mn heure locale, soit 20h42 heure française.
Les derniers jours de navigation ont été tranquilles,
au portant, toutefois notre voilure incomplète et réduite
après la rupture de l'étai nous a fait perdre un
peu de temps. Le soir du 4 février, nous avons fêté
les 30 ans de Ronan, un de nos équipier, avec un menu gastronomique.
A la fin du repas, il a fallu manœuvrer pour éviter un cargo
qui nous coupait la route et avec lequel nous avons communiqué
par radio pour échanger nos positions et nos directions.
Nous avons rencontré beaucoup de poissons volants et d'oiseaux
paille-en-queue. Hier, nous nous sommes occupés à
nos réparations, pour changer !
Nous avons pu visiter un peu l'île, grace à l'oncle
d'Yves, qui vit ici (ndlr: Yves est un des équipiers).
L'île a une végétation luxuriante, la plupart
des 150 000 habitants sont noirs, elle produit surtout des bananes,
qui sont revendues aux anglais
Voilà pour les nouvelles essentielles
Caryl Lambert : Bien reçu, le voyage semble bien se passer, où en sont les réparations ?
RB : Nous avons pu, hier, grâce à
l'oncle d'Yves, trouver un homme d'origine hollandaise installé
dans l'île, qui soude tous les métaux et qui nous
a l'air très compétent. Nous lui avons donc laissé
les pièces endommagées et nous devons avoir des nouvelles aujourd'hui
CL : Frédéric Russo m'a dit
vous avoir envoyé des pièces, sont elles arrivées,
et quelles sont elles ?
RB : Nous ne savons pas exactement ce que
Frédéric nous a envoyé, et nous n'avons pas encore reçu les colis
CL : Je te passe les élèves de l'école Jules Verne, c'est une classe de CP aujourd'hui
Maxime : Est-ce-que vous vous baignez ?
RB : Nous nous sommes baignés une
fois en mer lorsqu'il n'y avait pas de vent, la température
était très agréable. Mais quand le bateau
navigue, nous ne nous baignons pas. Ici, nous profitons d'une piscine en plein air
Maxime : Quelle langue parlez-vous avec les autres bateaux ?
RB : La langue du Rally, c'est l'anglais. Pierre le parle très bien, les autres se débrouillent
CL: Quand les bateaux d'origine américaine prennent ils le départ ?
RB : Nous quittons Ste Lucie samedi 16, mais la plupart des autres bateaux nous rejoindront seulement à Panama
Maxime : Où êtes-vous précisément à Ste Lucie ?
RB : A la pointe nord de l'île, du côté de la mer des Antilles, à Roadney Bay
CL : Une dernière question, êtes-vous déjà habitués à votre vie sous le
soleil, ou êtes vous encore en plein rêve ?
RB : Maintenant, on s'est habitués à la vie sur le bateau, au bout de quelques jours de traversée,
on prend le rythme des quarts. Il y a tout un moment où
l'on est entre Afrique et Amérique, on ne sait plus très
bien depuis quand on est partis, on ne peut pas encore calculer
notre date d'arrivée et donc on ne peut que vivre au rythme du bateau
Bon vent !
Sainte Lucie, tout petit Etat indépendant est, dans le chapelet des "petites Antilles", située juste au sud de la Martinique, département français dont sont originaires beaucoup de personnes qui vivent à Lyon. A la Martinique comme à la Guadeloupe, les deux plus grandes Antilles françaises, vivent une majorité de noirs, descendants des esclaves qui, jusqu'à l'abolition définitive de l'esclavage en France, en 1848, travaillaient dans les plantations de canne à sucre
De grands écrivains d'aujourd'hui nous rendent sensible toute l'histoire de la vie, des souffrances
et des luttes des peuples antillais. Aimé Césaire,
le plus ancien d'entre eux est aujourd'hui le maire de Fort de
France, le chef-lieu du département. Patrick Chamoiseau
a eu le prix Goncourt il y a quelques années avec Texaco,
la belle et révoltante histoire d'une femme qui se bat
en compagnie de ses voisins pour pouvoir se loger. Dans deux
livres parus récemment en poche (Folio), Chamoiseau raconte
son "enfance créole" : le premier tome "haute
enfance" c'est son regard de petit enfant noir sur la vie
de l'"en-ville", de son quartier de Fort de France.
Dans le second tome "chemin d'école" il raconte
comment il a dû apprendre à l'école en plus
de la langue créole qu'il parlait à la maison,
le français qu'il utilisera plus tard de façon
merveilleuse dans ses romans, en l'enrichissant des images, de
la poésie, des expressions de la langue créole
Patrice Berger
René Bernard : Les nouvelles du bateau vont être
relativement brèves puisque cette semaine nous étions
en escale ici à Rodney Bay. Nous sommes sortis pour aller
faire un parcours côtier le long de l'île jusqu'à Marigod Bay
Marigod Bay, c'est l'endroit où la flotte de l'Amiral Nelson
s'était cachée des français au moment des
guerres du début de l'Empire. C'est un très bel
endroit, paradisiaque. Pour le reste, nous avons essentiellement
participé à quelques fêtes dont le carnaval
de Sainte Lucie qui est quelque chose d'absolument étonnant,
une immense fête populaire où toute la population
est dans la rue, avec des musiques tonitruantes
On a aussi profité des aspects botaniques de l'île.
On a vu le travail du cacao, celui du manioc et de la canne à
sucre, qui sont quand même des activités marginales
puisque c'est la banane qui est la grande industrie de l'île
Surtout, on a préparé le bateau puisque demain à
midi c'est le départ pour Panama et nous passerons à
peu près huit jours en mer
Caryl Lambert : Où en sont les réparations ?
R.B. : Les réparations sont faites
pour l'essentiel. Nous avons remis en place avec les moyens du
bord parceque nous n'avons pas pu trouver des pièces neuves,
il a donc fallu réparer les pièces cassées.
On a trouvé un ouvrier qui a pu nous souder tout ça. Le bateau est prêt à partir demain et je pense que
tout se passera bien, le seul problème restant est un problème
électrique que nous n'avons pas pu résoudre faute
de trouver un électricien professionnel, c'est un défaut
d'isolation que j'espère nous allons régler aujourd'hui
C.L. : Combien êtes vous sur le bateau ?
R.B. : Nous étions donc 6 sur l'étape Canaries - Ste Lucie, 2 équipiers débarquent
et 2 autres embarquent, donc nous serons à nouveau 6 : Jean Berthelot, le Commandant de Bord, Pierre Voisin
et moi même qui faisons le tour complet, Yves Jacob qui
est avec nous depuis Lisbonne jusqu'en Australie, Loïc Artaud
qui arrive ici et qui restera jusqu'en Australie aussi et Roger
Parietti, le médecin, qui restera seulement jusqu'à Panama
C.L. : Quelle est la situation météo prévue pour votre départ demain ?
R.B. : Nous sommes dans une période
de saison sèche ici, même si ne l'on s'en rend pas
bien compte parce qu'il pleut tous les jours, les alizés
sont établis et assez fort, c'est à dire que l'on
risque d'avoir une traversée avec beaucoup de vent portant,
de force 6-7 probablement et assez irréguliers