C'est à Hervé Bertrand, du labo des Sciences de la terre à l'École Normale Sup de Lyon que revient la lourde tâche de nous parler des volcans antillais
Caryl Lambert : Avez-vous déjà vu un volcan en éruption ?
Hervé Bertrand : Oui, plusieurs fois. Le plus récent, c'est le volcan de Fogo au Cap Vert, sur lequel on s'est trouvé alors qu'il
avait une éruption, avec un groupe d'étudiants. C'est un très beau souvenir
Ahmed : Combien a duré la dernière éruption de la Soufrière, en 1976 ?
H.B. : La Soufrière a eu six éruptions depuis 1780. La dernière, en 1976, s'est produite sur plusieurs mois, avec
le point culminant pendant l'été. Elle a défrayé la chronique, en provoquant une polémique car il a fallu
évacuer environ 70 000 personnes pendant quelques mois. C'est une éruption un peu spéciale,
elle n'a pas apporté de magma frais. C'est ce qu'on appelle une éruption phréatique, où le moteur de
l'éruption était de l'eau qui a été vaporisée, ce qui a provoqué l'éruption
Gary : Est-ce que la Soufrière est un volcan rouge ou un volcan gris ?
H.B. : C'est un volcan gris, car sa température n'est que de 700°, la lave n'est pas assez chaude pour apparaître rouge. Ici,
la lave gonfle pour former des dômes qui sont chargés en gaz et qui explosent de temps en temps, formant des nuées ardentes
Gary : Pourquoi y a-t-il deux sortes de volcans ?
H.B. : À cause des différences de composition chimique entre les magmas. Du coup, ils ont des températures et
des fluidités différentes. Les volcans rouges donnent lieu à des coulées de laves, les volcans gris à des dômes
Ahmed : Est-il possible à notre époque de prévoir les éruptions de la Soufrière ?
H.B. : Pour la Soufrière, oui. C'est l'un des trois volcans actifs, avec la Montagne Pelée à la Martinique et le Piton
de la Fournaise à la Réunion. Sur ces trois volcans actifs, l'observatoire vulcanologique de l'Institut de physique
du Globe fonctionne, sur la Soufrière depuis 1950. On dispose de stations sismologiques qui mesurent les tremblements de terre
associés aux éruptions. On mesure aussi les déformations du volcan. On peut ainsi prévoir les éruptions à venir
C. L. : Combien de temps avant ?
H.B. : De quelques semaines à quelques mois. En fait, on ne prévoit pas la date de l'éruption mais les scientifiques peuvent
estimer le risque d'éruption. Exemple en 1976, l'alerte n'a pas débouché sur une éruption véritable
Gary : Y a-t-il des villages à côté de la Soufrière ?
H.B. : Oui, bien sûr. Il y a 350 000 habitants à la Guadeloupe, sur une surface assez limitée. Notamment, le
village de Saint-Claude, qui a été évacué en 1976, est très près du volcan. Ces zones sont densément habitées
car les terres sont très fertiles. La fertilité est due à la composition de la lave. Mais ça ne
suffit pas, il faut encore que la lave soit dégradée pour produire un sol fertile. Là, le climat intervient. Par exemple,
l'Islande est volcanique, mais pas très fertile. Au contraire,
les Antilles ont un climat favorable. D'où un cercle vicieux : à cause de la fertilité, la population est nombreuse et exposée
aux risques, en particulier aux coulées de boue quand les pluies lessivent les cendres.
Propos recueillis par les 4ème T du lycée Jacques de Flesselles
L'île de Flores (Ilha das Flores, île des Fleurs) est une île des Açores, un archipel du Portugal à moins de 2000km à l'Ouest de Lisbonne
Lou : Combien de baleines avez-vous vu ?
René Bernard : Dans la traversée de l'Atlantique, nous n'en avons vu aucune.
Mais dans la traversée du Pacifique et de l'Océan Indien, nous en avons vu quelques unes. Trois en tout. Il faut dire que ce n'est pas un animal très courant aux latitudes
où nous avons voyagé. Ce n'étaient pas de grosses baleines, elles ne dépassaient pas 10m, soit la taille du bateau. Mais on est plutôt contents de ne
pas en avoir vu de grosses, car en se retournant, sans vouloir nous faire du mal, elles peuvent faire beaucoup de dégâts
sur le bateau. Il y en a un qui avait rencontré une baleine pendant la première traversée de l'Atlantique,
et qui a eu de grosses réparations à faire. Tellement grosses qu'il n'a pas pu repartir des Antilles avec nous.
A propos de baleines nous en avons raté de peu en Afrique du Sud, à Mossel's Bay. C'est un endroit
où les baleines viennent pendant l'hiver austral. Mais comme nous sommes arrivés en novembre, elles venaient de
partir. Sur les bords de l'océan, il y avait des panneaux indicateurs, qui d'une part disaient que les baleines sont protégées,
et qui d'autre part donnaient des indications pour reconnaître les différentes sortes de baleines
Lou : Que faites-vous quand vous voyez des baleines ?
R.B. : Nous l'observons bien entendu. Celui qui la voit crie et appelle tout le monde car c'est plutôt rare. On regarde un peu ce qu'elle fait, à la jumelle
Lou : Avez-vous vu capturer une baleine ?
R.B. : Non, et nous ne risquons pas beaucoup. La baleine est protégée par des conventions internationales. Mis à part quelques
pays, la convention est bien respectée. Sinon, nous n'aurions plus de baleines. Quand on les chassait, leur nombre a beaucoup diminué
Propos recueillis par les CP et les CE1 de l'école Jules Verne
Ca y est, René Bernard est aux Açores, et le téléphone marche !
Caryl Lambert : Bonjour René, tu nous appelles de Flores, après avoir traversé l'Atlantique, n'est-ce pas ?
René Bernard : Bonjour, oui, nous sommes à Flores, l'île la plus occidentale des Açores. Initialement, nous n'avions pas
prévu de nous y arrêter. Mais il paraît que c'est la plus belle île de l'archipel, donc nous ne sommes
pas trop déçus. Nous sommes ici à Lages. L'île est très verdoyante, très coquette.
Le village de Lages est très joli, avec les maisons peintes en blanc avec les boiseries dans différents tons de verts.
Ce n'est pas du tout touristique, dans le port, il n'y a que trois voiliers, deux de la course et un voilier
belge. Il y a des pêcheurs, on a vu le retour de la pêche hier soir. Ils avaient des magnifiques congres, et aussi des poissons
dont j'ai oublié le nom, et des rougets. On les a goûtés, c'est très frais. À terre, on aime manger au restaurant,
sur une table qui ne bouge pas
C.L. : Comment s'est passé la traversée ?
R.B. : Pour la traversée on a mis dix-huit jours. Au début les vents étaient de nord, puis de nord-ouest. On a pris
une route qui nous a amenés assez en ligne droite vers les Açores. Ensuite le vent a molli, et on a dû aller
chercher le vent plus au nord. Mais malheureusement, l'anticyclone des Açores avait décidé de prendre ses vacances
à l'ouest de l'Atlantique. Donc nous n'avons pas eu beaucoup de vent et nous avons beaucoup utilisé le moteur. Et si nous sommes à Flores et pas
à Horta, c'est parce que nous nous sommes arrêtés à la première île pour pouvoir prendre du
carburant, pour éviter de tomber en panne de gazole et de vent au beau milieu de l'Atlantique. Demain nous irons jusqu'à
Horta. Bref, c'était une traversée calme et agréable, sans histoire
C. L. : Tu as abandonné un peu le Saranaïa, actuellement tu es sur Pagan. Peux-tu nous le décrire ?
R.B. : Le Pagan, pour ceux qui s'intéressent à la navigation dans les conditions difficiles, c'est un Damia II. Il a été
conçu près de Lyon à Tarare. C'est un bateau en acier, très robuste, qui a été prévu
pour aller dans l'Antarctique par exemple. Donc c'est un voilier extrêmement solide. Son propriétaire l'a aménagé
d'une manière tout à fait confortable. Comme en plus nous n'étions que trois à l'intérieur,
c'était vraiment agréable
C.L. : Tu es aux Açores, il doit faire plus froid qu'aux Antilles...
R.B. : Oui en effet, nous sommes arrivés aux Açores avec un pantalon, deux pulls,... Il fait assez frais. Nous sommes en Europe, quoi !
C.L. : Reviens-tu sur le Saranaïa pour la dernière étape ?
R.B. : Je continue sur Pagan. D'abord parce que Pagan était sans équipier. Et comme c'est un ami on a décidé
de lui donner un coup de main. Donc Pagan a maintenant un capitaine
allemand et deux équipiers français, dont moi ! Je finis donc la course sur Pagan, mais ça ne change rien à nos liaisons
C. L. : Au fait, c'est quand que vous arrivez à Lisbonne ?
R.B. : L'arrivée, c'est le 24 mai, le dimanche qui suit l'Ascension. Pour le moment nous n'avons pas d'information sur la façon
dont va se passer l'arrivée. On sait juste que c'est deux jours après l'inauguration de l'Exposition Universelle, que les Portugais ont préparé des choses importantes.
On ne va pas tarder à le découvrir...
Propos recueillis par les CP et les CE1 de l'école Jules Verne
Invité : Dominique Gorigni, du CEMAGREF de Lyon
Fadime : René, avez-vous beaucoup de déchets sur le bateau ?
René Bernard : Effectivement. Pour traverser l'océan pour aller des Antilles aux Açores, on a mis trois semaines. En trois
semaines à la maison, on a beaucoup de déchets, sur un bateau, on en a un peu moins mais ça fait quand
même pas mal. Alors on procède de la façon suivante. D'abord, pour ce qui est des épluchures, on les
jette sans restriction à la mer. Les poissons en mangent une partie, le reste se dégrade, ça disparaît
naturellement dans la mer. Évidemment, si on voit une peau à la surface de la mer, ce n'est pas très joli,
mais ça ne dure pas. À l'autre extrémité, il y a les plastiques. On les garde soigneusement. Ça nous encombre un peu, mais on les jette dans le prochain
port. Et entre les deux, il y a les boîtes de conserve. Quand l'étape n'est pas trop longue on les garde, sinon on les jette en disant que le métal va retourner
à la nature et se dissoudre. Mais ce n'est pas très satisfaisant. Même si on peut dire que les gens qui naviguent
à la voile sont ceux qui font le plus attention à la mer
Thomas : Pourquoi y a-t-il des déchets sur les plages ?
Dominique Gorigni : Il y a des déchets qui viennent des gens qui sont sur la plage, et il y en a d'autres qui sont apportés par la
mer. En général ce sont des déchets qui flottent. Et si personne ne vient les ramasser, ça s'accumule et on les remarque
Samia : Dans une île, que fait-on avec les déchets ?
D.G. : On les brûle, on les enterre, ou bien on crée une décharge, dans un endroit isolé de l'île.
Les déchets les plus dangereux sont les déchets gazeux, car nous les respirons et donc nous avons un contact direct
avec eux. Et aussi les déchets liquides qui polluent les eaux...
Propos recueillis par les CP et les CE1 de l'école Romain Rolland à Vénissieux
Le bateau est presque arrivé, le grand périple de la course autour du Monde se termine
Patrice Berger : René, tu nous appelles des Açores... qu'on connaît bien avec l'anticyclone, il
doit faire beau là-bas ?
René Bernard : Pas vraiment non, surtout pour des marins. Non seulement on
n'a pas de soleil, il fait couvert, mais en plus on n'a pas de vent. On vient d'arriver à Punta Delgada, qui est la capitale
administrative des Açores, sur l'île de Sao Miguel. Nous venions de Horta (île Fayal), et on a fait 30 heures au moteur
car il n'y avait pas le moindre souffle d'air
Hélène : Préférez-vous le Pagan ou le Saranaïa ?
R.B : C'est une question qui est un peu difficile. Le Pagan et le Saranaïa sont deux bateaux très différents mais agréables
l'un et l'autre, je dirais. Le Saranaïa est un bateau de croisière rapide, qui est aménagé de manière
assez classique à l'intérieur. C'est en bois vernis, très joli. L'inconvénient du Saranaïa pour
moi c'est qu'on ne voit pas la mer de l'intérieur, il n'y a pas du tout de hublots latéraux. Le Pagan, lui, est un bateau de légende.
C'est un Damian II. Les premiers bateaux de ce modèle ont été construits il y a trente ans. Ils sont fabriqués
tout près de Lyon, à Tarare. Ce sont des bateaux très solides, en acier, qui ont été utilisés
par des navigateurs allant en Antarctique ou en Arctique, bref dans des régions où on peut rencontrer des choses délicates
du genre icebergs. Le Pagan est un bateau très très solides, une goélette agrave; deux mâts, avec beaucoup de voiles. Donc quand il y
a du vent on passe pas mal de temps à manoeuvrer, à changer les voiles... C'est une navigation plus traditionnelle,
un peu comme on faisait autrefois. Le Pagan a été
aménagé par son propriétaire d'une manière très agréable, les boiseries à l'intérieur
sont gris clair et blanches. C'est un beau bateau lui aussi... En fait les deux bateaux ne se comparent pas vraiment
Thaïs : Est-ce que c'est beau les Açores ?
R.B : C'est beau, oui. Et je dirais qu'on a fait un peu comme les enfants, on a mangé le dessert en premier. La plus belle île,
du moins à mon sens, des trois que nous avons visitées, c'est la première que nous avons touchée, Flores. C'est l'île qui est le plus à
l'ouest de l'archipel des Açores. Vu de Vénissieux, l'archipel des Açores c'est peut-être un point sur la
carte, mais en fait c'est très étendu, sur 600km
- L'île de Flores, qui n'est pas touchée par le tourisme,
est assez peu peuplée. Flores, ça veut dire fleur, et c'est une île qui non seulement a une végétation
merveilleuse, très coquette, mais qui a aussi des côtes découpées qui sont très jolies. C'est vraiment
la plus belle île
- Horta, c'est bien sûr l'île mythique pour les marins qui viennent de traverser l'Atlantique.
Il y a deux choses. D'abord, le café Sport, où tous les marins du monde se retrouvent, et puis il y a le port, sur
lequel tous les bateaux peignent quelque chose pour laisser une trace de leur passage
- Quant à Punta Delgada, bien sûr c'est la grande ville, on est arrivés seulement ce matin,
donc je n'ai pas encore grand chose à vous raconter à ce sujet
Gaétan : Y a-t-il beaucoup d'épaves au fond de la mer ?
R.B : Oui bien sûr, il y en a beaucoup. Mais la plupart sont près des côtes, pas en pleine mer
Propos recueillis par les CP et les CE1 de l'école Romain Rolland à Vénissieux
Hammam : Pourquoi les dauphins sont-ils considérés comme les meilleurs amis de l'homme ?
Serge Viallelle : C'est vrai que depuis la Grèce Antique, les dauphins ont toujours été mythifiés. Amis ou ennemis,
il y a eu plusieurs phases au cours du temps. Ici aux Açores, ce sont plutôt des ennemis, concurrents des pêcheurs.
Les cétacés et les dauphins ont toujours fasciné l'homme, depuis la Grèce antique jusqu'à Pinochio,
en passant par Jonas dans la Bible
Vincent : Comment sait-on que les dauphins communiquent ?
S.V. : Il y a plusieurs types de communications. Il y a d'abord les petits bruits : grincements, clics. Il y a aussi la communication
corporelle, un peu comme pour nous. Par exemple, là je suis en train de bouger les mains quand je te parle. Il y a aussi les
sons d'écho-location, qui font comme un radar. Pour savoir quand les dauphins communiquent,
c'est très simple, on utilise un appareil qui s'appelle un hydrophone. C'est comme un micro qu'on met dans l'eau de
mer. Certaines fréquences sont audibles par notre oreille. Pour d'autres, il faut recourir à des filtres. Mais le plus
important c'est la communication corporelle. Les dauphins sont des animaux très sociaux. Par exemple le dauphin qui tape
très fort de la queue quand il n'est pas content, qu'il a envie qu'on s'en aille. Si un dauphin vient "jouer"
près des bateaux, sur la vague d'étrave, c'est souvent qu'il est nerveux. Dans un groupe où il y a des petits
et des mères, ils nagent en profondeur loin du bateau, et les mâles viennent montrer qu'ils sont grands et forts et qu'il vaut mieux qu'on s'en aille...
Caryl Lambert : On dit que parfois ils guident les bateaux
S.V. : Ils sont certes très intelligents, et parfois capables de nous dire des choses. Mais ce ne sont que des animaux. Des
dauphins qui guident des bateaux ou qui sauvent des hommes, je suis un peu sceptique. Ce que j'ai vécu, par contre, ce
sont des moments de rencontre intenses en sous-marin. Les dauphins ont l'air sympathique, avec une grande
bouche qui semble rire. C'est pour ça que l'homme fait une projection sur eux. Et puis ça dépend de l'espèce,
il y en a qu'on ne peut pas approcher. Ça dépend aussi de ce qu'ils sont en train de faire. Par exemple, quand
il sont en train de se nourrir, ils n'ont rien à faire de nous. À d'autres moments, on a ce qu'on appelle un groupe
socialisé, on peut arrêter le bateau et se baigner avec eux. Les impressions de rencontres sont impressionnantes
Hammam : Comment fonctionne leur langage ?
S.V. : Encore une fois, ça dépend des espèces. Ici aux Açores il y en a 7 ou 8 différentes. Chaque
espèce a son propre type de communication. Avec un peu d'habitude, quand on met l'hydrophone dans l'eau on reconnaît
de quel dauphin il s'agit. Les sons dépendent aussi de l'âge des animaux. Bien sûr, ce ne sont pas des mots,
des phrases. Ils émettent ce qu'on appelle des codes, c'est-à-dire des successions de sons. Ce sont toujours les mêmes
dans une situation donnée. On les interprète donc en fonction du contexte. Par exemple, quand ils sont chassés,
ils font toujours le même bruit. Donc on l'interprête comme un bruit de douleur ou de peur...
Propos recueillis par les 4è T du lycée Flesselles de Lyon