Dans 2 heures, c'est le départ du Vendée Globe Challenge aux Sables d'Olonne. Saranaïa II, lui, taille sa route au près entre CUITADELLA (Minorque) que nous avons quitté à 8h30 et PUERTO OLLER (Majorque) où nous arriverons la nuit prochaine. La route directe n'est pas possible, nous serions vent debout. Il faut louvoyer, c'est-à-dire que nous avançons à 30 ou 40° du vent, en laissant le vent tantôt à droite et nous sommes tribord armures, tantôt à gauche, et nous sommes bâbord armures
Saranaïa II a quitté Hyères vers 16h, MERCREDI 30 OCTOBRE, après une séance de photos et, passant entre la presqu'île de Giens et l'île de Porquerolles il a pris sa route au 210, par Minorque, à la bordée, c'est-à-dire la route directe par le Golfe du Lion. Le vent était d'ouest/sudouest, puis d'ouest fraîchissant jusqu'à 30 noeud (Force 8 Beaufort) dans la nuit
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Le 1er NOVEMBRE, nous sommes repartis de Fornells dès 11h pour aller à
CUITADELLA (en Catalan) ou CUIDADELA (en Castillan), la vieille capitale de Minorque, un petit port très abrité
de tous les vents au fond d'une très jolie calanque. Il paraît que c'est la plus belle ville des Baléares avec
sa citadelle, ses palais de pierres rouges dorées, sa cathédrale, ses ruelles étroites et une atmosphère presque africaine
dès qu'on s'écarte du centre. Nous avons changé notre argent en Pesetas. Ce sera notre monnaie pendant un mois
1 peseta vaut environ 4 centimes
- Nous avons payé 8345 Ptas pour passer 2 nuits au port
- Un timbre coûte 60 Ptas
- 1 kg de clémentines : 300 Ptas
- un café : 125 Ptas
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Notre équipage depuis Hyères :
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VENDREDI traversée de 79 MN vers San Antonio sur l'île d'Ibiza. Le plus gros de la route s'est fait au moteur, un vent thermique nous a tiré quelques heures à l'approche de l'île. À San Antonio nous étions amarrés à la place du ferry-boat qui est arrivé vers 23h. Il a fallu déguerpir. La ville parcourue seulement de nuit n'a aucun intérêt : immeubles modernes, station uniquement tournée vers le tourisme
SAMEDI de San Antonio à Alicante, 98 MN seulement 1h de voile ! Très peu de vent, temps gris. On approche de la côte de la péninsule ibérique vers le Cabo Nao, puis c'est la litanie des stations-béton qui commence : Moraya, Altea, Benidorme sur laquelle tombe la nuit. Heureusement, car c'est si laid que Frédéric voudrait utiliser une bombe atomique. Arrivée à Alicante, dans une marina très moderne, il est 21h30. Nous partons manger quelques Tapas. Après le repas, vers minuit, je pars avec Georges et Paul, sous la conduite de Pierre explorer la Casca Antiguo de Alicante, vers el mirador de Santa Cruz, puis vers la Ruta Baja de los Miradores. C'est très kitsch. Puis on domine la ville qui ne dort pas. C'est samedi soir : dans le bas de la ville, il y beaucoup de jeunes en bandes bruyantes. Nous entrons un moment dans un restaurant, chez Luis, pour prendre un café. Le patron parle parfaitement le français, sans accent. Peut-être est-il français ? Derrière le comptoir, le mur est décoré d'affiches de carnaval et du Barrio de Santa Cruz, la cuisine est appétissante. le patron nous dit qu'il faut visiter le quartier le matin, lorsqu'il retrouve sa vie habituelle. Ce sera pour une autre fois...
DIMANCHE 7h30 Saranaïa II appareille. Au bout de la jetée, on envoie les voiles vers Le Cabo de San Pola, bâbord amures au près.
Nous passons à terre l'île de Tabarka devant le Cabo. Bien que je me sois couché très
tard, je suis sur le pont pour voir Alicante sous les premiers rayons du soleil. Frédéric me raconte les opérations
qu'il a subies il y a 12 ans pour se faire poser une prothèse de l'articulation de la hanche. On fait route au 190 jusqu'à
10h50 où le vent tombe. À nouveau la brise Perkins : notre moteur de 48 CV.
Nous sommes au large de Torrevieva. C'est juste avant 13h que ça c'est passé : Frédéric assis veut se lever dans le cockpit, se raidit, grimace et se
rassied. La prothèse de sa hanche gauche dont il me parlait tout à l'heure ! il souffre beaucoup, même s'il essaie
de le cacher. À partir de ce moment, pour nous l'objectif est de rallier Cartagena au plus vite pour qu'il puisse avoir une
radio de contrôle. Ce soir il est à l'hôpital avec Jean, celui de nous qui parle le mieux espagnol, et nous attendons
d'avoir de ses nouvelles. Alors que je le portais pour l'installer sur le brancard de l'ambulance, il m'a dit "Vous n'avez pas
de chance avec les vieux !". Sacré bonhomme...
Mardi 12 novembre : Nous sommes toujours à Cartagena. Frédéric que nous allons voir dans sa clinique matin et soir est rapatrié aujourd'hui par un avion sanitaire. Il doit être opéré à Marseille. Georges, notre joyeux marseillais, en profit pour nous quitter également : il va cueillir ses olives. Il nous rejoindra en janvier 98 à Capetown pour finir le tour du monde avec nous : pourvu qu'il n'oublie de rapporter de l'huile d'olives ! Saranaïa II pendant ce temps est bloqué au port par un fort coup de vent : on a doublé les amarres car le vent du Sud et la mer déchaînée rentrent très fort dans le port où deux autres voiliers français attendent comme nous de pouvoir continuer leur route
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Lundi à 14h30 : nous sommes accostés au quai de la douane à Gibraltar. Le pavillon britannique a remplacé l'espagnol dans les barres de la flèche
Mardi 26 novembre - Gibraltar : Neuf jours à Gibraltar, escale technique pour terminer nos réparations. C'est souvent un temps d'attente. Attente des pièces nécessaires qui viennent de Londres ou de France : à cette occasion, nous découvrons la grève des transporteurs routiers dans notre pays qui nous semble bien lointain. Attente des travaux de sondage et de la réparation/échange de notre pilote automatique Autohelm demandés à l'atelier Sheppards. Petits travaux que nous faisons nous mêmes, comme régler le mât qui doit être bien droit et perpendiculaire au plan du pont, comme rechercher sans succès jusqu'ici une fuite d'eau douce ou repeindre les bouées fer à cheval qui sont comme neuves maintenant. Comme à chaque escale, il faut s'organiser : trouver de la monnaie du pays, trouver les commerces d'alimentation et, si on ne les comprend pas, d'abord déchiffrer les étiquettes. Généralement, on trouve un supermarché, ici "Safeway", car c'est plus commode et plus rapide, et un marché aux produits frais, fruits et légumes. On recherche aussi une laverie pour notre linge. On peut écrire aussi, c'est plus facile au port que lorsque le bateau bouge beaucoup en mer (...) Et puis on visite un peu : Pierre a pris le car une fois pour Algésiras, une fois pour Puerto Duguess, près d'Estefona : il cherchait un restaurant grec ! Moi, j'ai profité du très beau dimanche, ensoleillé et doux pour grimper sur le rocher et visiter les tunnels et les vestiges du "grand siège". Ces constructions vieilles de deux siècles sont intégrées dans le paysage alors que le béton coulé en grandes quantités lors de la 2ème guerre mondiale défigure le paysage, jonché de détritus, souvent empuanti d'odeurs d'urine et survolé par des milliers de goélands, ces oiseaux paresseux qui prospèrent sur les poubelles des hommes
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Sur le rocher, il y a aussi des singes qui vivent en liberté, les seuls en Europe, dit-on. On dit aussi que les anglais partiront de Gibraltar après le dernier singe. Je les ai trouvé nombreux et peu farouches : pendant que j'en photographiais un, un autre a essayé de s'emparer de mon sac à dos ! La ville de Gibraltar devait avoir du charme avant la 2ème guerre mondiale : Main Street témoigne de ce passé recouvert aujourd'hui par des boutiques trop nombreuses qui offrent aux touristes des produits plus ou moins détaxés, tandis que sur tous les emplacements libres sont en train de se construire de grands immeubles modernes comme on en voit partout et notamment sur la côte espagnole
Nouvel équipier pour traverser le détroit ! Nous étions heureux mardi soir de voir enfin arriver Roger, un nouvel équipier pour quelques jours seulement et qui nous apportait de France une pièce que nous attendions, mais aussi quelques gâteries bien de chez nous et des journaux
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Noël 1996 : Depuis Cadiz, nous sommes entrés dans la froidure. Le vent est le plus souvent de secteur nord, donc très frais. J'ai lavé mon dernier short pour le ranger, sans doute jusqu'aux Canaries. Il fait 12°.C dans le bateau le matin au réveil. C'est moins froid que dans l'Himalaya, certes, mais on s'équipe pas toujours suffisamment et on s'épuise à lutter contre le froid, surtout quand on ne navigue pas. Quand on navigue, on s'équipe et on transpire...
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René Bernard