(MFI) À deux doigts de l'Afrique et à quelques encablures de l'Indonésie, le bouquet d'îles de l'Océan Indien que forment Madagascar, Maurice, la Réunion, les Comores et les Seychelles se sont forgés une musique commune, le SÉGA, toujours présente malgré la montée de nouveaux sons.
"Nous n'avons pas de totem, nous ne retournons pas nos morts... Nous n'avons plus que le séga pour nous tenir dans cet exil, terre entre mers, nous n'avons plus que le séga pour unir et confondre nos désirs de liberté"
"Séga", la musique mère des îles de l'Océan Indien que décrit si bien le poète surréaliste mauricien Jean Erenne (René Noyau), vit aujourd'hui comme il y a cinquante ans dans le cœur de tous. Le débat que suscite l'origine même du mot que l'on dit venu de l'indien mais aussi du malgache "sé gasse" (réponse donnée par les esclaves à leurs maîtres) éclaire à lui seul l'identité plurielle de ces îles qui réunirent colons européens, commerçants indiens, chinois et arabes, marins indonésiens et esclaves africains
Musique rurale et sacrée à base de ravane (tambour), de maravane (boîte), de triangle et de chants, elle est née de la souffrance des plantations et constitue le ciment culturel d'un peuple déraciné. Elle a perdu au fil des ans son caractère religieux, a modifié son instrumentation (accordéon, guitare, harmonica, banjo), a été récupérée par toutes les classes sociales ("séga des bals poussières" contre "séga salon") mais demeure jusqu'à présent une musique populaire
Sur Rodrigues, petite île où vivent "créoles rouges", descendants de colons français, de Chinois et d'esclaves malgaches ou africains, on compte pas moins de 439 ségatiers (joueurs de séga). "Musée de la musique noire", selon l'écrivain réunionnais Alain Lapierre, cette île est le cœur du séga et son groupe phare, Cardinal jaune, anime au rythme très soutenu les "bals zarico" (soirées familiales). Mais l'île cherche aujourd'hui à enrichir son patrimoine de nouveaux sons comme le reggae. Sa voisine, l'île Maurice, dont elle dépend administrativement, vit aussi au coeur de cette dualité.
Sylvie Clerfeuille, RFI, Paris, 28 août 1997