C'EST LOURD, UNE MÈRE QUI MEURT Pour changer les draps, je la prends dans mes bras Elle s'agrippe du mieux qu'elle peut Puis se niche en mes multiples creux C'est mon enfant, maintenant... Mais non, une mère ne s'abandonne pas si facilement Et de rester ainsi, l'une dans l'autre, n'est pas séant "Occupons-nous plutôt du lit !" Je confie ma mère à son fauteuil Et me tourne vers la literie... C'EST DUR, DE LUI FAIRE SON LINCEUL Bientôt, voilà qui est fait, Même l'oreiller n'est que blanche rigidité Maman est épuisée Plus du tout habituée à tant bouger Je tends les bras, et puis, mais comment faire ? Réinventer les gestes d'une mère... à son enfant ? à sa maman ? Réinventer je sais pas faire, alors j'invente carrément : "Un ange passe, nos regards s'égarent, Tour de passe-passe et pirouette, Revoilà maman dans sa bébé fluette ! S'embrassent nos regards et l'ange trépasse" Rester ainsi, pas séant ? oui mais... Elle aimerait bien aussi maman, ça au moins, je sais. Seulement voilà, et si quelqu'un venait ? C'est pas humain, de faire toujours comme il sied Dès que ma mère fut recouchée La pudeur revint dans nos regards Ce fut à peine une semaine plus tard Qu'elle rejoignit l'ange, notre enfant mort-née C'étaient ces draps-là, qui étaient sur le sommier qu'ils ont brûlé, après... Pourquoi, ont-ils brûlé tout ça ? mais ça aussi, peut-être, je sais.