CHAPITRE 8
Serait-ce déjà le pénultième ? Mais oui, puisque mon majeur gauche s'est replié sur lui-même.
C'est impressionnant, cette faculté d'auto-programmation : en donnant au départ et à chaque membre sa fonction munie d'un ordre de temporisation, en chargeant nos reflexes de veiller à la sécurité, notre cerveau peut s'accorder de temps en temps une échappée méritée. Ainsi le corps reste vigilant quand l'esprit est ailleurs.
Il y a aussi le phénomène inverse, lorsque parfois on ne peut plus se déplacer sans numéroter ses foulées. Ou bien c'est l'alphabet, qui défile ainsi au pas cadencé. Chiffres ou lettres c'est égal, c'est le rythme qui compte dans cette addition. A cette mesure, régulière au possible, on fonce tête baissée en contournant les obstacles et traversant vaille que vaille des chaussées encombrées.
A côté de combien de connaissances suis-je ainsi passée sans les voir, occupée que j'étais à me tracer une route sur les trottoirs?! Puis soudain je m'arrêtais, et pensais que vraiment, c'est idiot cette manie d'avancer en dénombrant ses enjambées! Et je me réveillais au beau milieu d'une rue, inquiète d'ignorer, me demandant... mais comment pouvais-je en être arrivée là, à cet endroit, sans avoir rien perçu de l'itinéraire parcouru !

Ce matin, et en quelques mètres seulement, je me suis de la même façon éclipsée dans une semi-conscience fantaisiste pour m'abîmer dans des idées contraires au dessein qui m'anime.
Cela fait que je n'ai guère progressé dans ma recherche et ne sais toujours pas si la scène qui se joue ici est une tragédie ou s'il faut en rire.

Et tandis que le final approche, l'inquiétude renaît... encore que la limite ne soit pas franche entre angoise et perplexité.
I wonder if... je me demande en effet des pourquoi et des comment dont les réponses ne se conçoivent peut-être même pas. Devrais-je m'en tenir à ce postulat qu'étant dos à dos pour mieux nous affronter, l'un de nous deux abattra l'autre, simplement ?
Mon enfant, présence invisible au milieu, ne gagnera rien de cette confrontation. Je pense amèrement que la victoire de son père lui serait un moindre mal... J'aime très fort mon garçon, dommage qu'il ne sera jamais qu'un homme! Chaque personne qui naît mâle ne devrait le rester que jusqu'à la puberté, et après, pour être digne de grandir en âge et en raison, l'adolescent devrait se métamorphoser complètement, pour être femme jusqu'à la mort. Toute reproduction n'étant pas interdite pour autant, car il est bien des moyens de fabriquer les bébés...
Je rêve, encore.
C'est pourtant bien inutile désormais, puisque bientôt le temps ne comptera plus devant l'éternité et que j'en serai quitte avec tous mes regrets