Critique de la représentation du 17 Novembre 1998 à la Maison de la Danse de Lyon
Le monde des contes, nous y sommes, est celui du merveilleux, du fantastique L'imaginaire est donc au rendez vous et se bouscule
le premier rôle avec les rêveries, l'inexplicable, les filtres,
baguettes de fées bonnes et mauvaises, les charmes de princes et
princesses. Et comme un levain indispensable à cette mixture dont
la recette a fait ses preuves l'Amour est naturellement là. Et même
s'il n'est pas toujours heureux c'est bien lui qui fait tourner les têtes,
les corps, la terre.
Ce ballet de la belle au bois dormant du conte de Perrault ne déroge pas à la tradition. S'y rajoute
simplement quelques condiments. La musique de Tchaïkovski, la chorégraphie
de Marius Petipa, et enfin l'interprétation que nous donne aujourd'hui Mats Ek sont à chaque fois la chance de créations
nouvelles
De re-création !
De récréation aussi
Une première note du décor, toujours
très sobre, nous fait immédiatement décoller vers ce
monde qu'on croit connaître mais qui n'est pas tout à fait
ordinaire... une table plutôt petite a bien quatre pieds, mais ce
sont des énormes crayons papier, mines vers le bas. Elle est témoin,
peut être greffière, partie aussi, au premier débat
de couple. Reine Sylvia dont une robe en flanelle grise, souple assez pour ne rien gêner des
plus classiques entrechats sauts carpés et autres plongeons, joue,
valse et se pâme en emportements d'amoureuses dans les bras du roi Salomon
Ils s'aiment, l'a-t-on bien compris ? Oui et ils fêtent leur amour
à table où il s'assoient sans chaise, fauteuil ni tabouret
Et puis, la vie n'est pas toujours fête : le téléphone
sonne... éphémère retour à une réalité
amère Une poupée au vêtement d'or piaille ALLO ! Allo !!
à nous faire croire un instant être tombé en vulgaire
comédie musicale, ricaine. Ça passe vite, heureusement !
D'ailleurs entre en scène un autre joujou contemporain, incontournable, autre outil démoniaque de nos quotidiens
insensés qui était autrefois un bijou étonnant : une
automobile. Elle est offerte en cadeau de noce et le couple s'en servira
jusqu'à la lie pour accomplir leur partie de campagne fertile
Oui, un peu plus tard la belle reine accouchera d'un énorme bel oeuf
blanc plus gros qu'un bébé de 18 mois qui deviendra la belle princesse Aurore
Mais c'est déjà plein jour et si la belle dort c'est qu'elle
vit aussi. Autant qu'une adolescente de notre fin de siècle qui fait
siennes les pires conduites à risques. Entre ses bras dans les veines
desquels circule un liquide dangereux, elle accueillera tour à tour
un rocker aux vêtements de cuir, la chevelure en banane qui lui fait
tourner la tête, et un autre bien plus gentleman aussi...
Totalement manipulée par la fée Carabosse dont les maléfices confinent
à l'horreur... Aurore est la fille de sa mère, mais lorsqu'à
son tour son ventre prend les dimensions de ce bel oeuf énorme dont
elle vient, on le découvre cyanosé... Les histoires d'amour
ne font pas seulement que finir mal... Ouf.
En tout cas, ici, tout est prétexte à
des ballets où danseurs et danseuses en habits de nos villes, costumes,
cravates, jupes et jupettes ou même vêtements sports très
chics donnent un spectacle de ballet très contemporain qui caricaturerait
les plus classiques à moins que ce soit l'inverse. Pendant la pause,
la scène se couvre d'une neige grise et on retiendra le balayage
collectif ce ballet de balais passant de mains en mains, en l'air et rase-mottes..
On comprend en tout cas que ce mélange, cette superbe transposition soit l'oeuvre de Mats Ek, cet enfant de la balle dont la mère
Birgit Cullberg était la fondatrice du ballet et le père acteur
fétiche de Bergman. Résultat les frères jumeaux Mats
et Malin sont devenus des danseurs et la fille comédienne. Mais l'héritage
n'est rien sans la farouche volonté d'être ici et maintenant
en parfaite harmonie avec nos réalités
C'est la recette en tout cas pour qu'un public conquis passe une merveilleuse soirée où la danse,
l'humour, l'imaginaire arrivent même à faire admettre le drame
Hypo